LIQUÉFACTION
Les corps perdent consistance sous la chaleur, c'est un état second des objets qui apparaît. Des passages se créent, passage à travers la peau, passage d'un état à un autre. Les matières quittent leur solidité pour gagner en viscosité en ramollissant, allant parfois même jusqu'à se liquéfier totalement. La chaleur, facteur de cette transformation, permet donc de projeter la modification formelle des éléments. A quel moment faire perdre ou faire prendre forme ?
Cette recherche induit un travail des différents matériaux dans la chaleur, en les faisant fondre puis se solidifier à nouveau dans des espaces frais ou tempérés. Les qualités de fusion ne sont pas les mêmes selon les différentes rencontres de matériaux. La cire glisse sur le plastique, alors qu'elle s'agrippe au grès par exemple, ou aux vanneries, que je viens justement compléter par des cires ou des graisses, ce qui permet de les rendre imperméables. La cire est justement utilisée de manière contemporaine notamment dans une recherche
Patio
Liquéfaction
Assèchement
Impressions
d'ombre et de lumière
Naturel rafraîchissant
Scènes en suspension
A propos
PLEINE CHALEUR
Les Vagues, p. 240, Virginia Woolf
que ça soit dans les textiles par le wax, dans le flaconnage pour sceller, mais également dans la cosmétique comme film protecteur pour retarder la perte d'humidité de la peau.
Mais ici, les objets sont suintants. Ils perdent leur imperméabilité. Leur surface est comme une peau qui respire, se modifie, et les cires végétales que j'utilise évoquent l'évacuation de la sueur par les pores, en transposant ce phénomène présent sur les corps, aux peaux des objets. Le plastique a un caractère éphémère, qui ne peut résister face à une telle chaleur. Son assise est notamment déformée, les formes gagnées sont organiques et nous font particulièrement ressentir la pesanteur, puisque c'est la gravité qui guide la mise en forme.
Au contraire, l'objet ancestral est le témoin d'une pérennité certaine. Cependant, l'utilisation reconnue de ces pots pour garder la fraîcheur, comme les pots à graisse, les gargoulettes, ou encore le principe du frigo du désert, semble ici dépassée par cette situation. Ils s'empâtent dans leur contenu qui se déverse. Bien que figés, ils semblent continuer à couler.
Le rapport de matérialité pose donc question, jusqu'à se demander si la matière durable et solide peut-elle finalement fondre à néant ? Quel environnement se crée lorsque la chaleur rejoue les matérialités ? Qu'est-ce qui perdurera face à ce qui disparaîtra ?
Les objets sont ruisselants, tout dégouline, notre peau, nos vêtements, nos objets. Les tissus collent à la peau et se chargent en absorbant ce fluide corporel, qui me permet de jouer avec ces empreintes de contact en créant un tableau que je nomme un Nu de sueur. C'est bien le contact avec les éléments qui est tout à fait particulier dans ce contexte, alternant entre le sec, le gras et le mouillé. Le toucher est ainsi parfois glissant, visqueux ou collant. La sueur est un élément qui dégage quelque chose de très intime, entre répulsion et attirance.
« Mon vêtement de cire fondait ainsi au hasard, irrégulièrement, en grandes raies qui s’égouttaient ça et là.»